Dôme des Platières, face N arête O et déco parapente | .by
Nedved Manu |
A Peisey-Nancroix pour aller cramponner et pioleter y'a bien sûr le classique
Mont Pourri, une valeur sûre de l'alpinisme en Vanoise, mais aussi les
dômes de la Sache et des Platières, juste à côté
et un peu moins hauts mais moins fréquentés et beaucoup plus sauvages,
ce sont de superbes courses.
J'avais déjà fait la traversée Sache-Pourri avec Jean-Philippe en montant par les glaciers de derrière, et aussi la face Ouest directe de la Sache avec Vincent et redescente sur le vallon de la Sache, deux supers souvenirs. Il me restait donc l'arête Ouest des Platières qui me tentait, évidente et vraiment très belle vue depuis les Lanches. Et surtout j'avais vraiment très très envie de monter avec le parapente pour y décoller du sommet...
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Le n°1 je l'avais fait avec Vincent, et là
c'est le n°4 qui est programmé. Extrait du "Topo de la
Vanoise". |
Samedi 28 mai 2005, ça fait une semaine que je suis en
vacances aux Lanches à travailler avec le père Poizat dans la
maison (placoplatre et pelletage de terre au programme tous les jours), il fait
beau et y'a pas beaucoup de vent météo mais de bonnes brises de
pentes et j'ai volé plusieurs fois à Plan-Peisey.
Le mercredi je me suis levé à 1h du mat' et je suis monté
avec le parapente sur le dos pour effectuer la course et le vol mais première
sortie de l'année je n'ai pas été assez rapide, la neige
n'était pas encore assez transformée aussi, je me suis arrêté
en haut du glacier sur le plateau au pied des faces et je suis ensuite redecendu
jusqu'au niveau des cascades du fond de vallée pour pouvoir décoller
et rentrer à la maison en volant. Une belle balade bien sympathique mais
pas la réussite du sommet tant convoité.
Perfectionniste comme je suis, je me dis donc qu'il faut finir le travail commencé
et pour bien finir la semaine je décide donc d'y retourner. Samedi fin
de journée donc je suis avec mes parents et la famille Poizat au grand
complet, le soir on mange ensemble, tartiflette au menu.
21h30: Je prends congé de tout le monde et je pars sur le chemin du refuge
du Mt Pourri, sac de 20 kilos sur le dos (sac + voile + sellete = 10 kilos,
+ le reste du matos piolet crampons vêtements casque eau bouffe... = 10
kilos aussi).
23h30: Arrivée au refuge du Mt Pourri pour faire une pause et dormir
un peu histoire de se ménager, le mercredi j'étais parti direct
des Lanches et forcément ca fait plus de fatigue, là je veux vraiment
réussir le sommet je mets toutes les chances de mon côté...
sauf qu'en arrivant y'a 2 anglaises et 3 anglais de Peisey en train de boire
des bières, tout est éclairé à la bougie, y'a une
douce chaleur et une bonne ambiance, je bois une bière... et commence
à me demander si je ne vais pas continuer la soirée ainsi...
24h00: Non allez faut être sérieux demain je le regretterais je
vais me coucher.
01h30: Réveil et un bol de céréales à la bougie,
maintenant les anglais dorment.
01h50: Départ. Traversée des pentes sous le Mont Pourri, remontée
de la morraine, me voilà sur le glacier il fait toujours nuit nickel
je suis dans les temps. Par contre y'a un abominable vent descendant, mais je
m'inquiète pas c'est normal on est sur un glacier, et puis là-haut
dans le ciel tout semble calme. La remontée du glacier se passe bien,
rien qu'en 4 jours depuis mercredi ça s'est bien transformé mais
je connais le chemin à travers les séracs. J'arrive au plateau
quand le jour commence à se lever et je prends à droite pour remonter
la pente pas mal raide qui permet d'accéder à l'arête, ouhouh
y'a plein de vent faut s'accrocher au piolet ! L'arête est ensuite de
toute beauté, c'est vraiment un des plus beaux itinéraires de
Tarentaise et ça fait longtemps que j'avais pas fait une si belle course
!
En arrivant au sommet, vue sur l'arête de montée,
en bas les Lanches et toute la vallée sont encore dans l'ombre.
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07h55: Sommet, super panorama, toute la Vanoise est encore enneigée, super vue idem sur la Haute Maurienne et l'Italie.
Vue sur le Mont Pourri, la voie normale qui arrive du glacier du Geay et que j'ai fait je sais pas combien de fois passe par l'arête de gauche et l'arête de droite vient du dôme de la Sache, cette traversée-là c'est avec Jean-Philippe que je l'ai faite. |
Vue sur le dôme de la Sache, dont la voie normale arrive par l'arête de droite, que j'ai fait une fois avec Jean-Philippe donc pour enchainer sur la traversée vers le Mont Pourri, et une autre fois avant avec mon père et François Nouvel on s'était arrêté 20 mètres sous le sommet, François s'étant foulé la cheville en passant le dernier pont de neige, du coup on avait gagné une descente en hélico... (Enfin François et moi, parce que mon père était lui parti appeler les secours.) Et la face Ouest faite avec Vincent c'est celle dans l'ombre à gauche, après on était redescendu en rejoignant le vallon de la Sache par le dôme des Platières où je suis pour prendre la photo et en prenant donc la belle arête entre ombre et lumière au milieu.
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Toujours du sommet, vue sur la Grande Motte, la Grande Casse,
l'Epena, les glaciers de la Vanoise et la Grande Glière.
C'est tout enneigé de partout, quelle ambiance !
Bon mais on va pas non plus s'éterniser en contemplation,
maintenant faut trouver comment décoller, et ça se présente
plutôt mal : au moins 30km/h plein Est, c'est bien trop fort, l'inverse
de la bonne direction, et ça a pas l'air d'évoluer autrement.
J'ai du mal à comprendre, les quelques nuages au-dessus sont quasi immobiles,
et toute cette brise ne vient que d'un glacier, c'est quand même pas lui
qui chauffe comme ça ???
Bon enfin je redescends un peu sous le sommet en suivant la crête qui
part vers le lac de la Plagne, toujours en restant côté Est et
je trouve vite une petite pente de neige suivie d'un plat bien comme il faut
juste en dessous des rochers de l'arête, le vent y est toujours sensible
mais moins fort quand même. Ca me dirait bien de tenter le déco
ici, parce que comme ca je serai juste un peu descendu à pied du sommet
pour le plaisir et je ferai un grand vol, alors que si je descends plus bas
c'est moins esthétique et puis après aussi ça sera plus
long pour rejoindre la vallée de Peisey, et ca faut éviter parce
que je suis quand même dans le Parc de la Vanoise et que le parapente
c'est interdit. Mais bon il va donc falloir décoller et passer par dessus
l'arête et se retrouver sous le vent, c'est pas bien académique
comme plan de vol...
Allez je déplie la voile et je me prépare, ahlala s'installer
dans la neige c'est toujours toute une histoire, le piolet et les crampons et
tout le reste du matos ça facilite pas le travail, la voile est mal étalée
mais c'est pas facile de faire mieux. Bon maintenant faut pas se rater, parce
que dans la neige ça prend facile une demie-heure pour se repréparer
de nouveau, alors le déco il faut le réussir, mais vu les conditions
c'est quand même un peu un pari...
GO !
Je fais deux pas, la voile monte tout de suite de côté et moi je
tombe le nez en avant dans la neige mais 20 km/h de vent ca aide je la sens
bien et continue à controler et hop ca décolle d'un coup je me
retrouve au-dessus des pentes de neiges et des barres de rochers, franchement
j'm'en sors trop bien !
Après ca je longe tout de suite l'arête vers la droite et hop je
passe par dessus et je met les gaz pour m'en éloigner parce qu'évidemment
je me retrouve sous le vent mais bon depuis ce matin je suis tellement successful
que je ne crains rien, ouais bien sur ça secoue mais ça va, le
paysage et la vue sur les glaciers sont magnifiques : dire que je suis en train
de faire tranquillement assis l'équivalent des 2000 mètres de
dénivellée de la montée, ahah ! !
En vol, avec Rosuel, les Lanches, le Pont Baudin et
Nancroix en ligne de mire. |
Je vole peinard en longeant toute la face de Bellecôte puis
je vais faire ma perte d'altitude au-dessus du Palais de la Mîne parce
que je ne vais pas non plus aller me poser pile devant chez moi, des fois qu'un
garde du Parc aurait suivi mon vol.
9h20: Atterissage dans un coin peinard, superbe course, superbe déco,
superbe vol, superbe combinaison ! Les décos montagne c'est quand même
trop fort, on a tellement de ciel et d'espace face à soi, avec juste
des sommets par-ci par-là plus bas, qu'on se croirait à l'avant
d'un petit jet en train de survoler les Alpes... ou encore en sortie d'avion
en parachute, du ciel, de l'espace et le relief sous les pieds, l'absolue liberté...
En rouge l'itinéraire de montée et en jaune
le vol.
De retour à la maison, avec tout le matos sur le dos et le dôme des Platières derrière, le glacier et l'arête de montée sont justes au soleil ! | |
Message pour le Parc de
la Vanoise :
Oui je sais le parapente est interdit dans le Parc... Effectivement si tout
le monde vient faire son gonflage au lac de la Plagne ça fait désordre...
Mais des vols comme ça, y'a pas grande monde pour les tenter chaque année
: montée avec le gros sac, incertitude du décollage... ça
ne fait qu'une fréquentation possible très réduite, et
les zoiseaux on les gêne pas trop, au contraire ils aiment souvent bien
venir voler avec nous ! En plus là sur ce vol je suis dès le déco
très haut au-dessus du sol et je ne reste pas plus de 5 minutes dans
votre périmètre, c'est pas comme du raz'mot au nez des marmottes,
y'a pas trop d'mal... Le parc national des Ecrins l'a compris et tolère
ce type de vol, ça ne fait pas un ciel rempli de voiles pour autant et
tout se passe bien... Le vol montagne est une manière difficile et belle
de vivre son amour pour la montagne et je fais attention à ce que je
fais, quand on voit l'état
de la montagne dans les stations de ski voisines on se dit qu'il faudrait pas
se tromper de cible... Enfin il faut aussi se rappeler que la limite 1000 mètres/sol
n'est que le résultat d'une bête erreur de traduction de la norme
1000 pieds/sol qui aurait du être appliquée...