Cime des Planettes, Le bal du Cosmos.
Seule la Lune, éclairait nos pas incertains,
Sur ce sentier glacé, vers ce havre lointain.


Nedved Manu vous raconte tout...
et Nedved Luc vous en dit encore plus !
Aaarrfff, et Nedved Alain y rajoute aussi sa louche ! ! !

La Vanoise, c'est quand même mes montagnes préférées : de jolis sommets bien individualisés, avec des petits glaciers et des petites faces rocheuses pour s'amuser sans se faire trop peur, et plein d'alpages, d'animaux et de vallées autour.
Alors les topos qui traitent de la Vanoise, autant dire que je les connais un peu par coeur tellement que j'aime me préparer à aller grimper dans ces montagnes là. Et dans le premier topo moderne de la Vanoise (Philippe Deslandes et James Merel, 1989) il y avait un itinéraire intéressant sur l'éperon ouest de la cime des Planettes, en face du refuge de Péclet Polset. Bon les années passent et lorsque Philippe Deslandes et James Merel sortent la réédition de leur topo en 1996 catastrophe plus de Cime des Planettes, juste une information laconique pour dire que tout s'est écroulé et que la voie n'est plus à conseiller... Ils présentent quand même la Pointe de l'Observatoire située juste à côté, j'y vais au cours de l'été 1998, c'est une chouette course de rocher.
Et puis vient l'été 2006, je suis au Vieux Campeur en train comme d'hab' de fouiner dans les topos, et en voilà un nouveau pour la Maurienne, avec une petite extention pour les itinéraires de Tarentaise réalisables à partir du refuge d'Aussois, dont notamment Pointe de l'Observatoire et... la Cime des Planettes que revoilà ! En plus de ça la voie a l'air trop bien, 13 longueurs en 4, 5 et 5 sup, c'est nickel pour nous ! !

Samedi 28 octobre 2006, l'automne est déjà bien avancé mais il fait encore beau et chaud, Nedved Luc est arrivé la veille à minuit de Paris pour un long WE chez nous, pas besoin de beaucoup argumenter pour le convaincre, dix minutes qu'il est là et le voilà aussi motivé que moi pour partir à la Cime des Planettes. Mais une course de rocher sans Nedved Alain ce n'est pas comme une course de rocher avec Nedved Alain, il faut aussi que Nedved Alain vienne avec nous ! On lui promet donc soleil et chaud refuge et à 15 heures nous voilà partis.

Notre présentation de la course à Nedved Alain a effectivement été du meilleur niveau : description de la course et de la marche d’approche, assurance sur la météo et sur la qualité du refuge, tous les aspects de notre expédition ont été enjolivés afin de le convaincre rapidement. Et comme il ne fait jamais les choses à moitié, Nedved Manu a amadoué Patricia - la femme d’Alain - en lui faisant don de trois Closer. Un mari absent contre des dizaines d’anecdotes croustillantes sur les people les plus en vue : ça, c’est de la négo !

Pour info, et défense, je tiens à dire qu'ils avaient presque sorti le tableau intéractif avec slides, costumes cravates et clip multimédia pour faire la promo de leur truc; "Même que c'est pas du jeu de profiter de la naïveté de pauvres gens dans le besoin !".

18 heures on se gare au parking du pont de la pêche juste après Pralognan et là il faut se rendre à l'évidence la nuit ne va pas tarder à venir et on est pas sûr du tout que le refuge -d'hiver- soit ouvert, on a téléphoné de partout mais les numéros des guides, du gardien et de l'office du tourisme ne répondent pas plus les uns que les autres. Enfin tant pis on commence la marche (forcée, selon certains critères), heureusement je me souviens bien du chemin de quand j'étais déjà venu à la Pointe de l'Observatoire, voilà la nuit qui tombe il fait tout noir mais on vérifie notre route sur la carte (ALAIN demande intelligemment que l'on vérifie à la route sur la carte...) et on fini par arriver au refuge.

Seule la Lune, éclairait nos pas incertains,
Sur ce sentier glacé, vers ce havre lointain.

Manquant d'allégresse, nous nous consolions,
Nous pensions aux fesses de belles institutrices,
Aux pâtes réchauffées, et autres infâmes vices,
Qui nous firent marcher comme des galions.

Il y a un peu de lumière et on sent la fumée d'un feu de bois... humhum ça y est on s'imagine déjà arriver en pleine soirée enterrement de vie de jeunes filles, mais non déception ce ne sont que des lyonnais comme nous (notez que pour eux la déception est tout aussi réciproque de ne pas voir arriver des femmes, mais bon ils ont déjà allumé le feu et coupé du bois c'est bien cool). Le refuge est super confortable, dire qu'on craignait de trouver une porte fermée et qu'on est venu avec notre réchaud et notre casserole alors qu'il y a du gaz et tout ce qu'il faut (dit comme ça, ça passe, mais il faut comprendre qu'on c'est trimballé pour rien trois tonnes de matos et qu'il nous restait à le monter dans 500 mètres de parois). Une grosse assiette de pâtes (merci à Luc, cuisinier en chef) et une pomme pour chacun et on va se coucher, Alain se prend quasiment une dizaine de couverture, là sur la photo c'est lui à gauche et Luc à droite.

6h30 le réveil de Manu sonne (celui de Luc est mort de froid pendant la nuit) et on lance le thé, gros débat pour savoir si on peut ouvrir ou pas le lait visiblement laissé par les deux autres gars partis plus tôt pour Péclet Polset, Alain est catégorique ce serait du gachis et il serait plus juste de le laisser aux suivants mais mon ventre à des raisons que la raison ignore, moi le thé c'est au lait et pas autrement alors compte tenu qu'on va laisser en échange au refuge trois bougies, quatre morceaux de sucre et deux pains au chocolat je n'hésite pas je me fais du thé au lait sous le regard scandalisé d'Alain. [Je continue à maintenir fièrement ma position : ouvrir une brique entière pour mettre 3 cl de lait dans un bol de thé alors que le lait n'est pas à nous et que l'on est même pas certain qu'il va être consommé rapidement après notre départ, c'est tout simplement un caprice égoïste - ceci dit en passant, au regard de ce qui suit on peut considérer que toute cette aventure n'était qu'un nuage de lait dans un immense bol de thé, soit un caprice égoïste...mais bien sympa au final]
8h00 on quitte le refuge en même temps qu'il fait jour pour de bon. On continue à parler en heure d'été pour ne pas se mélanger et voilà devant nous le programme de la journée, la Cime des Planettes, avec la Pointe de l'Observatoire à gauche et le Pointe de l'Echelle à droite.

La marche d'approche s'effectue sans soucis (Arff ! ce qu'il faut pas entendre ! et dire qu'on trimbalait des dizaines de réchaux pour rien !) et nous voilà au pied de la voie. Là il faut se rendre à l'évidence, ce n'est pas vraiment le beau temps que nous prévoyait la météo ("météo" = "Manu" pour ceux qui suivent pas), le ciel est gris et surtout il y a un énorme abominable vent, des rafales à 50 km/h toutes les 10 secondes qui glacent le dos, j'essaie de convaincre Alain que le vent va chasser les nuages et nous ammener le soleil mais depuis le temps il commence à connaître mes arguments, allez hop hop on s'équipe quand même.

Moi, j'ai quand même attendu le dernier moment, persuadé que Manu allait redescendre dès la première longueur pour s'agenouiller devant moi, frigorifié, et me demander humblement de le fouetter à la tourbe des alpages pour tous ses mensonges et divagations météorologiques et logistiques. Mais, bon, non, visiblement, il n'est pas descendu... .

Compte tenu de la température ce serait inconscience de grimper pieds nus dans les chaussons, on va donc rester en chaussettes : pour Luc pas de soucis, il grimpe toujours avec de petites socquettes ca ne lui change rien. Pour moi pas de problèmes non plus, avant quand mes chaussons étaient plus grands j'en mettais aussi, jusqu'à ce qu'Alain m'oblige à ne plus en mettre parce que "pour avoir de bonnes sensations, Manu, il ne faut ABSOLUMENT PAS mettre de chaussettes !"... Catastrophe pour Alain donc qui doit bien se rendre à l'évidence, pour la première fois de sa vie il va grimper avec des chaussettes dans ses chaussons. En plus de ca des grosses de randonnées carrément pas adaptées, mais c'est ca ou l'amputation des pieds avant midi...

Encore une victoire éclatante du Gang des Grimpeurs en Chaussettes, la branche Nedvede défendant le port des chaussettes dans les chaussons d’escalade. On peut se passer des chaussettes quand on fait du bloc ou de l’école d’escalade au soleil, mais sûrement pas pour une course de plusieurs heures. 

La Société des Grimpeurs Sans Chaussettes tient à réaffirmer ses principes de bases, intelligemment mis de côté par l'un de ses plus brillant membre fondateur pour des raisons évidentes de survie que tous reconnaîtrons comme faisant sortir du cadre de la polémique (Chaussettes - Pas Chaussettes) ce type de situation. 
L'Histoire (et la conscience bienveillante de Celui que l'On ne Doit pas Nommer) seule dira où Alain avait mis sa SEDONDE paire de chaussettes... .

Allez je pars en tête, première longueur, deuxième longueur, troisième longueur, l'escalade n'est pas déplaisante mais le vent qui vous glace quand vous attendez au relais c'est quand même inhumain. A partir du troisième relais y'a plusieurs longueurs en 5c alors à tout seigneur tout honneur c'est Alain qui est naturellement désigné pour y aller on échange nos positions sur la corde (Bien entendu là Manu a sortit un truc du genre "Putain c'est cool on a pas encore fait de noeud avec la corde les gars !"... voir ici). Là dessous, Alain en tête dans les dalles avec le sommet balayé par les nuages qui défilent à très grande vitesse.

Mais Alain a de supers nouveaux gants (YES !!!!) avec le bout des doigts amovibles (YES YES !!!) et il passe toutes les difficultés avec plaisir (Ouais, heu, là, quand même, sur le coup si je sentais bien mes paumes de mains, je n'avais plus aucune sensation au-delà des premières phalanges. - D'où l'importance de la seconde paire de chaussettes, que seule l'histoire dira où..). Au 8ème relais on est un peu abrité du vent, on a dépassé la moitié de l'escalade et un petit rayon de soleil vient nous toucher, ah c'est presque agréable on en profite pour sortir le sauc' c'est un bon moment (Vive Luc et ses goûts de riches, car le sauc' était teerrrrrrible !) ! Nouvelle invertion sur la cordée (sans noeud. "Putain les gars toujours pas de noeuds !" Lourd....) c'est Luc qui prend maintenant la tête histoire que chacun en profite à son tour. Il nous sort quelques longeurs pas trop dures mais avec un peu de recherche d'itinéraire et le vent revient bien sûr se mêler à la partie. On arrive finalement à l'avant dernier relais et là soit on sort rapidement en sécurité par la droite ou soit on passe tout droit un ressaut nettement plus raide que tout ce qu'on a grimpé jusqu'à présent, bien sûr Luc a le sens de l'honneur et il nous passe brillamment ce superbe passage d'escalade (Note : merci à Luc qui en fait a cumulé toutes les emmer.. , le gaz, la difficulté sur ces quelques longueurs. Niaaark !) .

On passe à notre tour avec Alain et nous voilà juché sur le gros caillou en devers qui constitue le sommet, il est 15h00 eheh on a tout bien réussi, c'était une fusée à trois étage : Manu c'était le premier étage, celui qui fait démarrer la fusée, il ne fonctionne pas pendant le plus longtemps mais il le faut pour faire décoller la cordée. Comme ca Alain le deuxième étage a pu faire prendre de l'altitude à la fusée en passant tout ce qu'il y avait de plus dur pour mener Luc le dernier étage au plus haut de la voie et à la mise en orbite finale : la très belle dernière longueur. Autoportrait de la fusée avec les étages dans l'ordre de droite à gauche.

Note : en plus de son obscession naturelle pour les noeuds (un glissement sémantiques inconscient...?), Manu a sorti ce truc bidon de fusée à trois étages au moins 15 fois durant la course. Le symbole phalique de la fusée peut-être... ? ("Manu, consulte bordel, consulte on t'a dit !!!")

Le panorama est aussi plaisant à regarder. A l'est c'est le vallon d'Aussois avec entre autre le refuge de Plan Sec où j'ai eu mon accident cet hiver. Tout au fond les dents d'Ambin, le Mont d'Ambin et la pointe Ferrand où je suis allé au mois d'août et d'où j'avais pareillement pu observer ce vallon d'Aussois avec le même sentiment à la fois terriblement inquiet (me dire que c'est à cet endroit que j'ai perdu connaissance, que ça saignait et que j'étais sonné...) et soulagé en même temps (penser que la casse a tout compte fait été limitée et aurait pu être bien plus méchante...)

Mais profitons du paysage, à l'ouest c'est Péclet Polset dans les nuages, le lac blanc et le refuge le petit point brillant au centre de la photo.

Et au nord la Pointe de l'Observatoire avec l'arête ouest d'un côté et le col d'Aussois de l'autre. Tout au fond on pouvait même reconnaître la Pierra Menta !

On commence a descendre les gros blocs de rochers en bas desquels on pourra traverser jusqu'au col d'Aussois et là Alain tout fébrile nous montre un crane d'animal entre les rochers. Ce n'est pas vraiment par là que l'on doit passer alors ni Luc ni moi n'avons envie de faire un détour pour ce vulgaire cailloux blanc avec trois pauvres taches noires dessus, on se contente donc de faire une photo pour faire entendre raison à Alain. Mais zoomez donc maintenant sur la photo... Oh mais si il s'agissait bien d'un crane, un crane d'Alanus Horribilis, une bête terrifiante disparue il y a quelques dizaines de millions d'années, avec ses gros yeux aucun mouvement ne lui échappait et avec sa machoire terrifiante elle déchiquetait sauvagement toutes ses proies, brrr...

Note du Maître Es SVT Nedved Alain : l'éminant membre de la Société Nedved des Naturalistes Urbains tient à préciser que rapporter cet inestimable fossile aurait sans doute pu apporter enfin la reconnaissance et la gloire sur le plan international que toute la Nation Nedved reconnaît déjà à ses fils légitimes, ainsi que faire faire un bon en avant in-croy-yable à la paléontologie des milieux alpins et, plus généralement, à renouveler les théroies post-darwiniènnes de l'évolution.
Mais, bon, nedved Alain restera à jamais - sans doute -  incompris, un génie maudit, perdu et englué dans une gangue nauséabonde de débiles attardés et aveugles... . Snif !

Pour notre part c'est le jambon que l'on déchiquete et on partage les restes avec les chocards.

Puis le plafond nuageux s'abaisse, on voit tomber quelques fines gouttes et on se lance en courant dans la descente pour ne pas recevoir la pluie.

A signaler : un troupeau de chamois paissant paisiblement dans un petit vallon humide, un groupe de marcheurs inconscient de l’heure avancée et du risque de pluie, quelques bananes séchées mangées tranquillement.

18 heures nous voilà de retour au parking, la boucle est bouclée, on est super contents d'avoir aussi bien rentabilisé ce dernier WE d'octobre et pour fêter ça on se partage une grande frite au Mac Do à Albertville.

La course était certes finie et pourtant notre seule frayeur de la journée s’est produite dans la voiture quand Nedved Alain a manqué s’étouffer puis a fait une crise d’asthme et enfin une crise de hoquets à cause d’un morceau de matière non identifié au fond de ma gourde.

"Non identifié", "non identifié", c'est vite dit : je suis sûr que ces couillons de N'Luc et N'Manu ont aspiré un triton des neiges sans s'en rendre compte en remplissant les gourdes avant de partir au petit matin dans la reserve d'eau à l'extérieur du refuge. Pouah !  Tu parle de compagnons de cordée !

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