Retour express à la Bérarde
.by Nedved Manu

 

Ahlala la Bérarde ! L'endroit de mes 2 stages du CAF, à 15 et 16 ans, un paquet d'années en arrière donc... Plein de bons souvenirs, la découverte de l'Oisans, la bonne ambiance des vacances d'adolescent, des nouvelles courses, la rencontre d'un compagnon de cordée - Jean Philippe - avec qui j'allais ensuite concrétiser tous mes rêves d'aventures en montagne...

La Bérarde, tout un symbole donc, et je n'y étais pas retourné depuis l'époque du CAF. A chaque fois et chaque année je me disais cette fois j'y vais, et à chaque fois y'avait autre chose de plus facile à faire.
Cette année je n'ai rien fait en montagne et pas grand-chose non plus en parapente: c'est surtout le parachute et le plongeon qui m'ont occupés, et puis c'est vrai je n'ai pas eu de vacances cet été. Y'a 2 we en arrière j'ai déjà laissé passer un beau we d'automne aérologiquement très calme en altitude pour aller en Ardèche et finir aux urgences à Alès (pas moi hein, mais le brave Pascal Martinez), alors pour ce we ci la météo annonce la même chose, cette fois pas question de se laisser avoir, j'ai trop envie de revenir à La Bérarde.

Parmi tous les sommets possibles y'en a un qui me tente bien, c'est le Coolidge. Parce que pour y décoller en parapente ca a l'air de bien l'faire, et puis parce que mon père l'a fait, c'est une de ses pas nombreuses courses mais ça me fait plaisir de savoir qu'il l'a fait alors j'aimerais bien y aller à mon tour.
Par contre c'est quand même à 3700, je n'ai aucun entrainement, et le sac avec le parapente il faut le porter... bon on verra, le jeudi et le vendredi la météo du samedi / dimanche s'annonce bien, faut y aller !

Samedi matin, réveil à 7h à Lyon, petite vérif' météo à 8h, ouhlala ça ne va plus du tout, la journée va effectivement être excellente, peu de vent jusqu'en haute altitude et des petites brises tranquilles, par contre pour demain passage d'une perturbation, 20 km/h N mini à 3000...
Au début je voulais monter tranquille peinard au refuge samedi soir après être passé par la coupe Icare pour faire un ptit vol, ou voir même par Corbas pour commencer le we par un ptit saut en parachute, mais là ca remet tout en cause, vite vite il faut réfléchir, allez hoplà je me décide je pars tt de suite et je monte cash au sommet, avec un peu de chance j'y serai à 19h pour décoller !

Oui mais bon il faut d'abord passer faire qq courses pour avoir à manger, après plein d'essence, même en finissant la montée du Vénéon façon Grand Turismo j'arrive à la Bérarde à 11h, les montagnes sont toujours là comme dans mes souvenirs, le centre alpin du CAF idem, mais bon pas le temps de s'émerveiller j'ai un sommet à faire moi.
11h15 mise en route sur le chemin. Un pied d'vant l'autre et on recommence, me voici au plan du Carrelet.

Droit devant,
c'est l'Ailefroide.

Jolie matinée hein ?

 

  Et là c'est en regardant derrière, direction la Bérarde et la tête de la Maye.

 

Après c'est la bifurcation à gauche et la montée vers le refuge Temple Ecrins.

A travers les mélèzes apparaissent les Bans et le glacier de la Pilatte.

 

 

Des lacets dans tous les sens, le paysage s'élargit et juste avant d'arriver au refuge voilà la face S des Ecrins.

Il est 13h15. 2h depuis la Bérarde, j'ai même un peu d'avance sur l'horaire.

 

 

 

 

Allez on continue direction le glacier de la Temple, ah ca y est là ca fait sauvage et désert, belle ambiance de montagne.

Vue imprenable sur les Bans et le Gioberney (tous 2 faits lors des stages du CAF!)

Par contre mes vieilles coques plastiques d'y'a 10 ans sont vraiment nazes, je sens déjà trop bien les ampoules au talon.

Et puis je commence à être crevé, le niveau de ma bouteille d'eau diminue dangereusement vite, quand y'en aura plus je serai mal...

 

Au niveau du glacier y'a justement de l'eau qui coule en cascade sur la roche, j'irais bien y remplir ma bouteille, oui mais voilà y'a un trou de 3 mètres de large et 5 mètres de profondeur en glace pour y accéder, pas moyen.

Là sur la photo on voit pas bien l'échelle, mais j'avais vraiment pas de temps à perdre à aller m'aventurer là-dedans !

Un peu plus haut je trouve un coin plus accessible, je remplis ma bouteille qui est maintenant vide, berk l'eau est toute grise je n'y toucherai pas. A côté de moi sur le glacier le soleil chauffe et les pierres glissent un peu dans tous les sens, y'en a une que je ne vois pas mais que j'entends passer comme le TGV, ouh ouh...

On continue malgré tout, le sac est franchement lourd, ca s'voit qu'j'ai pas d'entrainement je suis tout essouflé et j'arrive finalement à 3321 m au col de la Temple à 16h45, 3h30 depuis le refuge c'est pas bien bon ca.

  Bon j'profite quand même du panorama, la vue sur l'Ailefroide (photo), le Pic sans Nom et le Pelvoux est quand même de toute beauté.

Pour le reste ch'uis bien hésitant, il est maintenant 17h, pour aller jusqu'au sommet ca va être juste, j'ai plus d'eau, je pourrais laisser le sac au col et monter sans rien au sommet et revenir décoller du col, oui mais ca risque de faire tard aussi, et puis surtout le col qui est exposé ouest est bien alimenté par les brises thermiques alors que sur l'arête ca sera tout de travers, alors je me dis tant pis j'en reste là, je reste une demi-heure tranquille à profiter du paysage et de la lumière de fin d'après-midi et je descend un peu pour préparer mon déco bien comme il faut dans la pente.

Là, problème, c'est tout plein de gros cailloux, les suspentes en se mettant par terre tombent par dessous, à tous les coups elles vont s'accrocher au gonflage. Y'aurait bien la solution d'aller mettre la voile sur les grands névés en glace, mais il se passe pas 2 minutes sans qu'y'ai une pierre qui passe en trombe, c'est encore moins une bonne idée.
Allez j'installe donc la voile et les suspentes du mieux que je peux par dessus les pierres, ca prend du temps, et je me retrouve enfin prêt à partir. Bonne brise de face nickel, je m'élance, je sens la voile qui monte... et qui me retient aussitôt, coup d'oeil en arrière, y'a un frein qui s'est pris dans un gros bloc, un seul mais ca suffit à tout faire capoter.
Ah putain c'est la merde, rien que pour ramasser la voile j'me fais trop chier, toutes les suspentes s'accrochent dans les pierres, je me déplace un peu pour réinstaller la voile à un endroit où les pierres sont moins grosses, faut tout demméler, c'est franchement gonflant, au total j'met bien 1 heure avant de me retrouver prêt à partir. L'heure avance, si là encore ca l'fait pas tant pis j'irai me mettre sur la glace.

  La voile prête pour le 1er déco, au niveau du coin gauche en plus sombre et plus gros le bloc qui a tout fait foirer.

Pour moins risquer d'accrocher une suspente cette fois j'étale moins la voile: elle est un peu repliée sur elle-même, comme ca elle ne prend que 2 fois moins de largeur et j'ai pu mieux vérifier la position de chaque suspente. Je prends les commandes en main, rien qu'en faisant ça déjà ça accroche, ahlala quelle galère.

Allez GO !


Là je sens la voile qui monte en entier, okay c'est bon putain j'y aurais pas cru, je me met à courir comme un fou en avant, la voile est bien au-dessus mais ne porte pas, évidememment elle à pas encore pris toute son envergure, mais faut courir pour lui faire prendre justement sa forme, et dans la pente et les cailloux c'est trop casse-gueule, avec les coques je sens mal où je pose les pieds, le piolet me tape dans le dos, je perds l'équilibre et tombe en avant, je me récupère en courant encore plus vite, c'est de la fuite en avant au sens propre du terme !
Mais bon à toute chose détresse est bonne, au moins ca me fait une bonne prise de vitesse, et au moment où je sens que je vais définitivement me casser la gueule entre 2 rochers la voile se met enfin à voler et hopla la brise me fait prendre de la hauteur, ouf !

Après le plan de vol est simple, je reste sur le versant O au soleil pour arriver juqu'au dessus du refuge, j'ai de la bonne hauteur mais ca bouge un peu trop à mon goût, au niveau du Carrelet je me positionne au milieu de la vallée. C'est cool !
Par contre j'ai du mal à sentir si y'a d'la brise de vallée ou pas, vu que c'est maintenant tout à l'ombre mais qu'au bout à la Bérarde y'a encore du soleil est-ce qu'y'a encore de la brise montante ou pas? ou l'inversion s'est-elle déjà faite et est-ce que ca descend? Au sol tout à l'air immobile, mais là ch'uis bien plus haut et ca veut rien dire.
Dans le doute et vu que j'ai une bonne réserve de hauteur je me mets bras haut pour être sûr d'avancer.
Mine de rien ce vallon est bien long! mais bon j'avance doucement c'est le principal, ah quand même ch'uis bien content de revenir de cette façon à la Bérarde! C'est dommage pour le sommet, mais la vue que j'ai en simultanée sur toutes les vallées est bien chouette :

Devant moi la Bérarde

 

  Derrière moi le Vénéon qui continue de remonter jusqu'à la Pilatte, et la vallée qui part vers les Rouies à droite.

 

  En se rapprochant de la Bérarde y'a maintenant la vallée du Chatelleret et au fond la Meije qui apparaissent

Bon allez on se concentre parce que ca va maintenant être l'heure de se poser. Je suis à la verticale de la Bérarde avec encore pas mal de gaz, je dépasse les maisons et je balance des virages dans tous les sens pour me positionner pour mon approche, visiblement y'a pas de vent.
Bon pour faire court je vais dire que j'ai tout merdé, un dernier virage au ras du sol parce que j'ai cru voir une ligne électrique alors qu'il y en avait pas, mes freins qui sont trop longs que je pense pas à prendre en tour de main pour les racourcir, trop de vitesse et pas de vent, je me vautre la face en avant au posé comme ça ne m'était encore jamais arrivé. Ah putain quelle merde, entre ça et le déco ça gache le plaisir!

Bilan de la journée: j'ai eu raison de tout tenter sur la seule journée de samedi, parce que le lendemain dimanche à 7h le ciel semblait encore calme, mais le vent et les nuages sont apparus assez vite ensuite, surement plus tôt que je n'aurais été au sommet et le vol aurait sans doute été compromis.
Par contre vouloir tout enchainer à partant à 9h de Lyon et sans entrainement était un peu ambitieux, résultat beaucoup de fatigue et trop d'erreurs. Le mieux aurait été de partir vendredi soir mais j'pouvais pas, enfin bon c'était à faire quand même!

Le soir je m'invite chez Sara et Olivier pour dormir et prendre une douche (merci à vous!), et le lendemain je vais voir la coupe Icare. Je monte avec ma voile, arrivé au déco S y'a une file d'attente de 60 personnes pour décoller!
Comme moi c'est bien connu ch'uis plus malin que les autres je me dis que je vais me trouver un déco pour moi tout seul ailleurs, je pars en direction de St Bernard du Thouvet, de loin je repère une pente qui a l'air bien, je me fait chier pendant 1h30 à marcher dans la forêt et les prés en plein cagnard, finalement j'arrive à ma pente qui est bien plus courte que ce que j'avais cru, avec des arbres de partout dedans et des petites bouffées de vent de cul, ah putain ca me fait trop chier allez tant pis on essaie, installation, hopla course d'élan, la voile est en retard si ca se trouve je ne passerai même pas les arbres, je préfère m'arrêter, la voile en tombant me double (freins trop longs...) et va se foutre dans un arbre, c'est l'apothéose. A ce moment je me demande si je ne ferai pas mieux de tout arrêter, vendre la voile de base comme celle de parapente et me mettre à la pêche à la ligne ou aux champignons.
Mais comme heureusement les arbres je commence à avoir l'habitude en à peine plus d'une heure de galère je parviens à tout récupérer, je retourne à St Hilaire en stop, là c'est fini c'est trop tard pour les parapentes individuels, putain quelle merde, en regardant ailleurs que là où je marche je m'explose le nez dans le coude de qqn et je redecends en navette pour retourner au parking où là bonne idée quand même j'avais laissé ma bouteille d'eau par terre dans l'herbe sous la voiture elle est donc bien fraîche.
Pour finir je regarde les parapentes et les deltas en voltige c'est bien sympa.

Mvouais moralité un vol montagne c'est tellement aléatoire qu'arriver à le faire c'est déjà en soi une réussite, mais quand même faudrait voir à mieux assurer...

 

Une demi-journée
de marche seulement
et voilà l'travail !

Faudrait p't'être que
j'fasse qqch pour
mes chaussures...

 
 

Nedved Manu, autoportrait au cours du vol.

Pour gagner un peu de poids j'ai remplacé le casque par un bonnet. J'ai aussi le nez un peu rouge, toujours pour gagner un peu de poids j'ai pas pris de crème solaire.
Par contre j'avais 2 appareils photo, yeah !

 

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