Lundi 7 août, je pars de Lyon en voiture, je prends la Maurienne jusqu’à Bramans et en fin de journée je suis au parking du vallon d’Ambin.

Le refuge d’Ambin est proche et je le dépasse vite parce que je vais dormir au bivouac d’Ambin, une petite cabane située au col d’Ambin, entre les pointes Ferrand et d’Ambin, et demain je monterai à l’une ou à l’autre pour décoller avec le parapente.

Vers 21h00 je suis entre le refuge et le lac d'Ambin. Le temps est beau, sauf là au fond du vallon où c’est rempli de nuages et de brouillard… J’avance en me guidant avec la carte parce que le chemin est de moins en moins facile à suivre, au sol ce n’est plus que des cailloux, il faut bien suivre les cairns. Mais ils sont un peu espacés et dans le brouillard avant de voir le suivant il faut avancer un peu sans repères… Enfin bon je me fie à la carte où je me représente ma progression, j’ai dépassé le lac et il doit maintenant suffire de traverser les pierriers pour arriver au bivouac. J’avance dans les pierriers, plus de cairns, et voilà la nuit qui tombe…

Ah merde je ne comprends plus, le bivouac ne devrait plus être loin, il devrait bien y avoir un cairn pour m’indiquer le parcours… mais non rien, j’ai ma frontale pour éclairer mais avec le brouillard il n’y a aucune visibilité, je marche, je monte, je descends, je ne sais plus où aller…

En regardant bien la carte il me semble que le col n’est pas si marqué que ça, j’ai du monter trop haut et le dépasser, il faut que je redescende, en revenant sur mes pas je retrouverai l’itinéraire du bivouac ou au pire le lac et de là le fil de la marche. Je descends, je descends… La nuit est toute noire, des nuages, pas plus de dix ou vingt mètres de visibilité… A de rares moments les nuages se déchirent un peu, je vois une étoile et c’est tout, pas moyen de s’orienter. Je me retrouve à descendre dans une gorge encadrée par de grandes dalles, à certains moments je ne vois plus que du vide tout noir devant moi, je jette un caillou pour m’assurer que ça ne soit pas une barre trop haute, je redescend doucement… jusqu’à me retrouver bloqué, là ce ne passe plus. Ah non je n’ai vraiment pas envie de remonter tout ce que je viens de descendre, et puis je vois un trou entre les rochers, je m’y laisse glisser, et je passe ainsi sous d’énormes blocs empilés et la descente enfin s’achève, je retrouve un peu d’herbe, la pente devient moins raide, je ne vais pas tarder à trouver le lac.

Ca y est je suis en bas, mais au lieu d’un lac, ce n’est purement et simplement qu’un fond de vallon, aucun lac ! Aaahhh, je comprends mon erreur, je suis tellement monté haut au-dessus du col que je l’ai dépassé, et je suis redescendu côté italien alors que je croyais descendre vers le lac côté français, elle est bien bonne ! Mais ce n’est pas grave puisque je vois déjà un chemin et des cairns, en les suivant je vais enfin arriver au col, ça ne sera juste que par l’autre côté que celui par lequel j’aurais normalement du arriver !

Je marche donc tout content de savoir que la fin est enfin proche, quand soudain… ce gros rocher là devant moi, bon sang je suis déjà passé devant, c’était bien avant le lac et pas longtemps après le refuge, ce n’est pas possible!!! J’avance encore un peu mais plus de doutes, je reconnais certains passages, je ne suis pas en Italie ni à côté du lac mais sur le chemin juste après le refuge, je me suis perdu bien plus tôt que je ne l’ai cru, il est minuit et toute la montée au bivouac reste encore à faire, avec le risque de toujours se perdre… Je songe un instant à retourner au refuge mais non je veux me battre, j’y passerai toute la nuit s’il le faut mais j’y arriverai !

Je repars donc mais tout doucement, je me force à aller de cairns en cairns et à revenir sur mes pas si après quelques dizaines de mètres je ne vois pas une nouvelle marque. Je contrôle mon avancée sur la carte, c’est terrible parce que je croyais avoir déjà passé ces endroits en les contrôlant de la même façon sur la carte, et pourtant les passages sont maintenant complètement différents !

Je suis pour de bon bientôt au lac… mais je perds de nouveau les cairns, plus moyen d’en trouver un seul… je suis pourtant sûr d’être sur la bonne direction alors je prends le risque d’avancer encore, des cailloux, des blocs, des rochers, je monte, je traverse, nuit et brouillard toujours… quand enfin je retrouve les cairns ! Ah soyez béni mon Dieu, là ils se suivent maintenant très proches les uns des autres, je suis donc dans la dernière montée du pierrier, il n’y aura bientôt plus que la traversée à finir, celle où je croyais déjà être quelques heures plus tôt…

Et puis voilà la montée est finie, je ne suis plus loin de la crête du col il y a du vent et il fait très froid, mais où est donc la cabane ? Il faut encore marcher à flanc de montagne, les cairns continuent, espacés, trop espacés, je suis obligé d’avancer tout doucement, si près du but, là je suis enfin au col mais pas de cabane, elle ne doit pas être loin je pose le sac pour chercher plus vite, le vent est glacial, ça y est enfin je la vois, je me dépêche de retourner chercher le sac, j’arrive devant la porte, une seconde d’hésitation : vais-je réveiller tout le monde ? Mais non bonne nouvelle personne je suis seul, poser le sac, il est 3 heures du mat’ ! Six ou sept heures de marche et de galère avec le sac du parapente si pénible à porter pour un itinéraire qui ne demanderait normalement pas plus de deux heures ! Ah j’ai bien mérité d’envoyer deux SMS à Nedveds Nico et Alain et puis je me couche.

Au petit matin, le vallon d’Ambin, le lac et les lieux de mon errance…

Une bonne nuit après, 6h30, le téléphone sonne le réveil. J’ouvre les yeux et la cabane est déjà pleine de lumière. J’ouvre ensuite la porte et je tombe nez à nez avec un chamois ! Puis j’observe les lieux, ah ça y est voilà donc là dessous le fameux lac, eh bé je me suis sacrément perdu hier… Le vent vient d’Italie et souffle assez fort en amenant pas mal de nuages mais en haut le ciel est bleu, les conditions ne sont pas idéales pour voler mais j’espère que je trouverai le moyen d’y arriver quand même.

La nuit fut rude…

Je choisi de monter à la Pointe Ferrand, parce que pour aller à la Pointe d’Ambin il faudrait redescendre un peu de ce que j’ai monté hier, ce serait trop un crève-cœur. Il y a donc une large arête de rocher à suivre et puis j’arrive au petit glacier Ferrand, bien en glace mais facile à remonter, ah malgré les épreuves d’hier me voilà quand même en montagne.

Un peu d’escalade en II sup pour finir et me voilà au sommet… dans les nuages !

Les nuages viennent d’Italie c’est de là que souffle le vent, je ne reste pas longtemps au sommet car je me demande bien d’où ça va pouvoir décoller. Descente du glacier vent de cul tout le long, j’arrive au-dessus du lac c’est toujours pareil alors je me mets à descendre toute une série de barres rocheuses. Je perds pas mal d’altitude et quand c’est fini le vent est beaucoup moins marqué, là ça va maintenant le faire.



Au cours de la descente, la pointe d’Ambin dans les nuages.

Arrive tout un groupe de randonneurs qui étaient hier au refuge et qui me demandent pourquoi je n’ai donc pas encore décollé, comment ils peuvent monter à la pointe Ferrand (sans piolet ni crampons…) et pourquoi même je n’utilise donc pas les courants ascendants pour monter en volant au sommet (le matin par vent de cul…).

Ouf ils s’en vont et je commence à étudier où décoller, là je vois une pente d’herbe assez raide mais face au souffle de la brise, c’est vers environ 2800 mètres, cinq minutes de remontée et j’y prépare le parapente.

Ca y est je suis prêt, piolet de côté je fais trois pas dans la pente la voile est déjà au-dessus de moi, trois autres pas de course et voilà ça vole ! Je me rends compte que je survole a peu près la zone où je me suis horriblement perdu la veille mais je n’arrive pas à repérer le grand couloir par lequel je suis descendu, il faut aussi piloter la voile et rester vigilant le vent descend du col et des sommets mais doit monter du vallon et ça bouge un peu.

Je n’ai pas beaucoup de hauteur et devant moi le vallon d’Ambin est bien long mais la finesse est bonne et le vol devient très agréable.

En vol au milieu du vallon d’Ambin, on voit le refuge et le parking est tout au fond.

Je passe au-dessus du refuge et je continue à voler au-dessus du torrent et du chemin, la voie des airs est quand même royale. 11h00 je me pose pile au parking, ah ce n’aura pas été facile, je n’aurai décollé qu’à mi-chemin de la descente en fin de compte mais la montée au sommet fut plaisante, le décollage bien réussi et le vol un bon moment je suis heureux.



En vol, avec le Grand Cordonnier qui dépasse juste en bas de la photo.


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