Dent d'Hérens, arête Ouest et déco parapente du refuge, 17 et 18 août 2009.

Après deux semaines aux Lanches à faire sagement des petits vols rando, à grimper gentiment, à faire du ciment habilement et à jouer avec Victor paternellement, pour la troisième et dernière semaine des vacances l'heure était venue d'entreprendre un autre projet. J'avais bien envie d'aller découvrir les gros tas de cailloux du Valais, et plutôt côté italien parce que l'Italie j'aime bien.
Lundi matin départ donc des Lanches, je passe le petit Saint Bernard et j'arrive à Aoste. En remontant vers le grand Saint Bernard part à droite une longue vallée, c'est la Valpeline, avec à son bout le barrage de place moulin. Je me gare là et je pars sur le chemin qui longe le lac, l'eau est incroyablement turquoise, au fond à gauche c'est mon objectif, la dent d'Hérens et son arête Ouest.

barrage de place moulin

En pliant bien à fond le parapente avec la sellette Radicale en son centre j'ai réussi à tout faire rentrer dans un vrai sac à dos, c'est sacrément mieux à porter. Je suis tout content de partir marcher dans de nouvelles montagnes que je ne connais pas encore, les quelques heures de montée au refuge sont un vrai plaisir.

on dépasse le lac...

le chemin tourne...

Le fond du vallon dominé par les bouquetins (c'est le nom de la montagne), bien sûr ici comme ailleurs les glaciers reculent mais en comparaison avec les montagnes de chez nous qui n'ont plus que des névés tous noirs pour pleurer ce glacier là est bien joli à observer.

montagne des bouquetins et glacier

Je m'offre une bière, puis c'est le repas du soir et tout le refuge va se coucher. Mardi matin 03h00 c'est le réveil, petit déjeuner et en route. Comme je suis tout seul je vais plus vite à me préparer et j'attaque le glacier des grandes murailles en premier. Pas de difficultés les quelques crevasses ne sont pas trop ouvertes et bien marquées, sauf que...voilà que je tombe à travers la neige, aargghhh j'écarte instinctivement les bras et je me bloque ainsi, ouf heureusement la crevasse n'est pas très large mais un rapide coup de frontal vers le bas c'est tout noir et profond... Je me rétablis, j'ai été bête et distrait de rester sur la neige alors que quelques mètres à côté sur la glace tout était bien visible.
On se retrouve à plusieurs au Tiefmattenjoch, le col d'où part l'arête Ouest. Regardez sur CamptoCamp une bonne vue générale de l'itinéraire (sur la photo c'est l'arête à droite du glacier central)
Et sur place deux photos que vous associerez pour vous représenter l'ambiance du jour qui se lève.

le bas de la face vu du Tiefmattenjoch

face et arête ouest

La première partie rocheuse de l'arête ne côte pas plus de IIIsup, mais en grosses, avec le sac, un peu de neige et du gaz il faut avancer doucement et être prudent, les séracs grands ouverts en dessous ne feraient qu'une bouchée de nous. On continue ensuite dans la face en neige un peu glacée, ça monte bien mais...la talonière de mon crampon gauche ne reste pas plus de cinq minutes en place et je me rends compte que la sangle d'un des oeillets à l'avant est toute rongée et ne tient plus à grand chose, ah me voilà bien, ça tient mais ce n'est pas rassurant. La face est battue par le vent et les nuages défilent juste au-dessus de nos têtes mais ça se découvre enfin.

le sommet se découvre !

Du rocher de nouveau, l'arête finale est aérienne, la vue plonge sur la face Nord et le Cervin est juste à droite.

arête finale

08h40 altitude 4171 mètres me voilà au sommet, on voit bien l'itinéraire de montée depuis le barrage, le vallon qui mêne au refuge et le glacier des grandes murailles.

du sommet, vue sur la Valpeline

le Cervin

Bon maintenant c'est pas tout mais il y a toute l'arête à redescendre parce qu'entre le vent et la pente impossible de décoller ici. La désescalade est un peu laborieuse, l'heure tourne et il est bientôt midi qund je me retrouve sur le glacier à chercher un déco, je suis maintenant à l'abri du vent météo mais la brise est cul de partout, impossible toujours de s'installer. Je redescends ainsi jusqu'au pied du glacier et là grrrmmmpffff je déplie la voile sur un névé mais elle glisse alors je vais dans les pierriers à côté et grrrmmmpffffgrrrmmmpffffgrrrmmmpffff évidemment que les pierriers c'est toujours un piège y'a toujours des suspentes qui se coincent je n'essaie même pas de décoller ça ne marchera jamais je replie tout en vrac dans le sac, j'ai perdu du temps, de l'énergie et...la semelle de ma chaussure droite elle se décolle ! Je n'ai pas encore le pied tout nu il reste un petit fond mais tout lisse qui glisse à chaque fois que je pose le pied, entre l'impossibilité de trouver un déco et l'impossibilité de marcher ou courir correctement j'abandonne et je rentre doucement et péniblement au refuge.
Un peu de repos, manger, boire, et réparer la chaussure en l'entourant de gros scotch. Les seules pentes herbeuses de toute la vallée sont juste au-dessus du refuge, ça permettrait de bien décoller mais la brise de vallée alternativement descend du glacier ou monte des rochers sous le refuge, c'est pas simple comme conditions. Mais si sur la neige les genoux ca va encore, sur le chemin caillouteux je sais que ça va être l'enfer, celui opéré du ménisque et du LCA comme l'autre vierge à la descente ils font autant mal tous les deux. Et puis ce vallon est si beau j'ai vraiment envie de le voler !
J'attends encore un peu tranquillement à observer le vent et je me décide je me prépare donc et ok voilà quand je sens la brise monter pas trop fort et stable je m'élance, la voile gonfle bien et ça décolle, je passe un peu au ras du toit du refuge mais c'était bien prévu ainsi et super youpiiii me voici enfin en l'air, je suis très content !

en vol !

Ah le vol montagne!!!

Je vais jusqu'au bout du vallon et je tourne direction le barrage mais après cinq kilomètres (j'ai mesuré) de ligne droite je n'ai plus beaucoup de hauteur, l'air est assez stable pas facile d'attraper des choses pour se faire remonter, je passe une gorge...et bong sang qu'est ce que je vole vite, enfer et damnation cette vallée est vent de cul je l'avais déjà observé hier à la montée, tout va très vite plus le temps ni la hauteur de tourner pour se remettre face au vent choisir à droite les sapins à gauche un champ de cailloux je choisis les cailloux, ma position dans la Radicale est assis en arrière les jambes en avant je reste ainsi putain je vais vraiment très vite voilà déjà la fin des cailloux et le torrent après non les pieds arrivent au sol là c'est sûr je vais me casser quelque chose je rebondis plusieurs fois sur le cul de cailloux en cailloux ouf tout s'arrête juste avant le torrent et je suis toujours entier.

atterro entre cailloux et torrent...

Y'a un bout de la voile qui tombe dans l'eau pfiouu les caissons remplis d'eau c'est pas facile à sortir, malgré cet attero catastrophique je ne regrette pas mon vol. Je replie tout le bazar et je fini la marche jusqu'au bout du barrage et à la voiture, c'est encore long mais tout à plat désormais.
Un beau sommet et un beau vol mais entachés de trop nombreux problèmes techniques, enfin bon voilà c'est comme ça. Plus qu'à s'assoir dans la voiture ouille rien de cassé mais je vais avoir un sacré hématome aux fesses/bas du dos. Il me reste 500 kilomètres à rouler pour rejoindre Sabina et Victor à San Donà où j'arrive à 03h00, ouilleouilleouille mon arrière-train d'atterrissage me fait bien mal mais j'ai les images 8 et 10 en tête qui me donnent elles beaucoup de joie.
Après ça trois jours tranquilles à San Donà et le samedi/dimanche pour finir les vacances je passe par la Suisse à Ambri au Mountain Gravity, super sauts, en wingsuit on a les montagne au bout des ailes

EMMANUEL

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